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Yuri Hopnn : “J’aime bien que les gens qui regardent mes œuvres aient envie de faire du vélo”

© Yuri Hopnn

Yuri Hopnn est un street artist italien et activiste du vélo. Ses œuvres non conventionnelles ont pour but de sensibiliser le public à l’écologie, de l’inviter à privilégier le vélo comme moyen de transport.

Quel a été votre parcours ? Comment et pourquoi avez-vous décidé de coller vos œuvres sur les murs ?

Je suis né graffeur : j’ai commencé vers 13-14 ans. Je suis né dans un petit bled paumé dans les campagnes italiennes. Heureusement il y avait des gars plus âgés que moi qui faisait déjà des graffs dans les années 90-95 et qui me l’ont appris.

Au bout d’un moment j’en avais marre de faire des tags classiques donc j’ai commencé à faire des personnages, des dessins. En même temps j’ai commencé à étudier auprès de l’Institut d’art. J’ai donc découvert beaucoup de peintres et j’ai naturellement eu envie d’utiliser le rouleau et les pinceaux plutôt que la bombe, j’ai commencé à peindre au lieu d’écrire mon nom. C’était plutôt un choix technique au début et stylistique après, même si j’ai continué à travailler pour la plupart du temps sans autorisations.

J’ai poursuivi ça dans une recherche personnelle qui m’a amené où je suis aujourd’hui. Donc, à la base, je me considère comme un muraliste car je préfère la peinture sur les murs : quand j’en ai la possibilité je préfère réaliser des œuvres de grandes dimensions.

J’aime aussi les affiches car elles restent des pièces uniques : je peins toujours à la main, donc ça ressemble beaucoup à peindre directement sur les murs et en plus c’est plus pratique.

Les vélos sont toujours présents dans votre travail. Quelle est votre démarche artistique ?

En ce qui concerne les vélos, il y a une histoire politique derrière :  j’ai commencé à les peindre quand j’habitais à Rome, qui n’est pas la ville idéale pour faire du vélo. J’ai toujours un peu poussé ces discours écologiques et d’engagement. J’aime bien que les gens qui regardent mes murs aient envie de prendre un vélo.

Quand je peins j’aime bien envoyer de petits messages et ça revient du passé : même quand je faisais du tag, j’écrivais des petites phrases au lieu de me limiter à écrire mon nom. Mon idée est donc d’envahir les murs des vélos de façon à inciter les gens à utiliser ce moyen de transport. À Rome il y avait un sens politique, après j’ai continué pour moi et pour le côté poétique, car d’autres villes dont notamment Lyon et Paris ont déjà beaucoup développé les vélos, elles sont beaucoup mieux équipées.

© Yuri Hopnn

En ce qui concerne les couleurs, le rouge prédomine. 

Le rouge, le noir et le blanc viennent de mes études à l’Institut d’art : j’ai étudié les affiches des propagandes utilisées pendant les dictatures et j’ai trouvé un lien entre toutes les dictatures, à droite et à gauche. Dans les années 40 elles utilisaient ces trois couleurs pour véhiculer un message, et d’une façon graphique ça marchait assez bien. Pas de dégradation, juste le noir et le blanc qui sont la synthèse extrême des couleurs et des contrastes. À côté de ça il y avait toujours ces gros champs rouges qui soulignaient les messages et donnaient de la force. J’ai comparé ça au street art et aux images que je posais dans la rue et je me suis dit que ce serait bien de faire le même parcours pour véhiculer mes propres messages et propagande.

C’est comme ça que j’ai commencé à utiliser le rouge : les gens qui passent dans la rue accordent deux secondes d’attention sur l’image et en si peu de temps je dois réussir à captiver leur attention : ces trois couleurs marchent bien pour ça et ça m’aide à transmettre le message. C’est le même principe pour les panneaux de signalisation routière.

© Yuri Hopnn

Est-ce qu’il y a un message que vous essayez de transmettre ?

Je suis un activiste du vélo. Je participe chaque mois à la Vélorution quand je peux ou sinon à la Critical Mass en Italie : on se rassemble dans un lieu et on fait une grande balade. On réclame des pistes cyclables ou le droit d’aller à vélo, dans les villes où il y en a besoin. C’est ça le but. C’est une vision politique du vélo.
Après, dans les villes où ça s’est déjà développé, la Vélorution a moins de sens mais en tout cas il y a toujours des améliorations à faire.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Je suis arrivé à Lyon en septembre donc pour l’instant le but est de peindre et coller le plus possible, de façon à me faire un réseau. Je dois revenir à Paris cet été pour peindre le mur d’un jardin partagé que j’avais déjà peint il y a quelques années.

Sinon je vais sortir un livre, dès que la situation sanitaire le permettra, vers octobre ou novembre. C’est un projet entre le street art et la cuisine. Je cherche également une maison d’édition pour l’éditer en France, je suis en train de le traduire.

Toutes les photos des recettes qui sont sur mon compte Instagram sont des photos prises lors de mes voyages en Italie : j’ai travaillé dans chaque région et dans chaque région je me suis arrêté dans plusieurs villes où j’ai peint un mur gratuitement en échange d’une recette. Je rencontrais des mamies ou d’autres personnes qui me cuisinaient des plats typiques, elles me montraient comment les cuisiner pendant que je prenais des notes. Le livre sera organisé comme une sorte de BD : il y aura d’un côté la partie dessinée de la recette et de l’autre la photo du mur.

Tout ça sera dans mon livre Graffiti per pranzo  (Graffitis au déjeuner) qui parle de ce voyage et de cet échange entre gastronomie et art murale.

© Yuri Hopnn

Plus d’informations sur sa page Instagram et sur son site Internet 

Propos recueillis par Violagemma Migliorini 

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